L’art de la dorure des thankas
Le thanka est la forme de peinture traditionnelle du Tibet et du Népal. Il s’agit d’images religieuses du Bouddhisme, dont les mandalas sont l’une des figures les plus célèbres. Une autre des spécificités de cet art est d’avoir recours à une technique de dorure bien particulière : le brunissage, qui vise à polir le métal pour le faire briller.
Lors de l’un de mes séjours au Népal, j’ai eu l’opportunité de travailler pendant deux mois en compagnie d’artistes népalais. Notamment avec Buddha Tamang qui m’a initié aux techniques locales de fabrication des thankas, et en particulier, au brunissage de l’or.
Fort présent là-bas, le brunissage de l’or sur toile a pour objectif de créer un contraste entre mat et brillant sur une même surface d’or appliqué au pinceau. (On utilise parfois la même technique avec de l’argent.) Pas question de feuille d’or ici ! Et un résultat d’exception…
Préambule
Comme le montre les photos, nous avons travaillé, mon tuteur et moi-même, sur deux versions du même tableau, afin d’échanger facilement nos expériences.
Les toiles sur lesquelles nous avons travaillé étant mes créations personnelles, nous n’aborderons ici que l’aspect technique à travers ce que je peux témoigner de ma propre expérience.
Je n’évoquerai donc pas ici la composition du thanka traditionnel, qui se réfère à une riche tradition religieuse. Un héritage dont les modèles très précis sont sensés être suivis scrupuleusement par les artistes qui les reproduisent. (Mais certaines déviations existent…) Pour cet aspect, je recommande de se diriger vers des publications d’experts, comme celles sélectionnées par la librairie du musée des Arts asiatiques – Guimet.
Matériel et espace de travail
Les couleurs des thankas sont traditionnellement composées de pigments minéraux. Ici, nous avons utilisé des liants acryliques pour incorporer nos pigments. Les couleurs sont donc diluées à l’eau et appliquées au pinceau, sans spécificité particulière.
Le support est une toile traditionnellement apprêtée par friction contre une roche calcaire. Elle n’est pas montée sur un châssis mais tendue sur un cadre extérieur dont elle sera détachée une fois la peinture terminée et sèche. En effet, la plupart des thankas sont destinés à être cousus sur un brocart (pièce de tissu brodée). La toile doit donc rester flottante.
Ce qui facilitera également le brunissage de l’or. Car lors de cette opération, la surface à brunir doit être posée sur un support dur (une épaisse planche de bois par exemple). Ceci afin que la pointe du brunissoir trouve un appui solide et ne perce pas la toile contre laquelle il frotte… L’épaisseur d’un châssis compliquerait cette tâche en empêchant la toile d’être en contact direct avec le support.
Préparation et application de l’or
Cette étape n’intervient que lorsque l’application des couleurs de la peinture est terminée (ou presque). Certaines parties du dessin en couleur pourront aussi être rehaussées de filets d’or. Mais pour les grandes zones de dorure, on prépare au préalable la surface à dorer avec un aplat de peinture ocre jaune.
L’or utilisé se présente sous la forme de petites pastilles d’or pur (24 carats). On le mélange dans un peu d’eau à un soupçon de suif (graisse d’origine bovine* séchée, d’aspect résineux) qui sert de liant à la mixture obtenue. On fait ensuite fondre le tout précautionneusement. Ici à la flamme d’une bougie.
Comme le montrent les photos, ces opérations sont effectuées de manière très artisanale, mais non moins savante !
Une fois la mixture homogénéisée et refroidie, on l’applique au pinceau ou à la brosse, comme une peinture à l’eau.
Une fois la première couche sèche, on peut en appliquer une seconde. De 4 à 6 passages, en croisant les traits d’une fois sur l’autre, seront nécessaires pour obtenir un aplat d’or uniforme.
À ce moment, cet aplat d’or semble d’un aspect assez mat – disons satiné. Il apparait encore plutôt terne comparé à l’éclat de la feuille d’or que nous utilisons en occident.
La technique du brunissage
Lorsque l’or est bien sec, on va alors pouvoir le polir par frottement et ainsi le faire briller grâce à un outil spécifique : le brunissoir.
Notons en l’occurrence que l’outil qui nous a servi de brunissoir est bien artisanal : Il s’agit d’une petite ampoule flamme montée sur une tige de bambou ! (Alors que les brunissoirs usuels se composent généralement d’une pointe en pierre d’agate sur des manches de bois et métal.)
L’intérêt tout particulier de cette opération est de pouvoir créer des contrastes entre l’or que l’on va faire briller et celui que l’on va volontairement laisser plus terne.
Nous choisissons donc une pointe fine pour notre brunissoir. Ce qui va nous permettre de dessiner, par friction sur l’or, des formes et des motifs qui se détacheront du reste de la dorure en accrochant différemment la lumière selon l’éclairage.
La dorure ainsi obtenue ne reste donc pas qu’un simple aplat doré (contrairement, là encore, à la feuille d’or) mais devient dessin à part entière. Elle accueillera subtilement (et brillamment, au sens propre comme figuré !) tous les motifs ou décors que l’on souhaite lui attribuer. C’est ce qui donne à cette technique bien particulière son rendu resplendissant !
Petit glossaire :
- Brunissage : Action de polir un métal.
- Thanka (Tanka ou Thangka) : du tibétain signifiant « objet plat ». Il s’agit d’images religieuses (de peintures traditionnellement) du bouddhisme tantrique, objets de culte ou supports à la méditation.
- Mandala : Mot provenant du sanscrit qui signifie « foyer, cercle » dans le sens où celui-ci émet une forme de rayonnement. Par extension : sphère, communauté. Ce terme fait donc référence à une forme de soleil spirituel, bénéfique à ceux qu’il éclaire ! Les mandalas les plus répandus, dans l’hindouisme et le bouddhisme, sont la représentation schématique du lieu de résidence d’une divinité. Dans ce cas, le mandala abrite, figurés sous forme de symboles, tous les attributs et qualités associés à cette divinité. C’est ainsi qu’il sert de guide à la méditation, pour ceux qui en connaissent les significations. Le mandala est donc d’essence symbolique et spirituelle, avant toute considération visuelle ou artistique !
Pour plus de détails, voir l’article :
Le Mandala, bien plus qu’une image.
Note
* À propos du suif : Au Népal, pays de tradition hindouiste, la vache est sacrée… Le buffle et la bufflonne sont moins chanceux ! Bien que leur viande ne soit pas consommée par les personnes de religion hindou, elle peut par contre l’être par les autres… Le suif dont il est question ici provient donc du buffle.
J’espère que cet article vous a intéressé !
N’hésitez pas à me contacter pour plus d’informations sur mon art et mes tableaux.
Et si vous appréciez mon travail, conservez mon site dans vos favoris et revenez me rendre visite ! Suivez-moi également sur Instagram pour me soutenir dans mes projets artistiques… Merci !